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Traduction par Stéphane Gully et François Parmentier d'un article de la ScrumAlliance: The Product Vision, de Roman Pichler. Si le sujet vous intéresse, nous avons déjà commis la traduction d'un article dont le titre français est Six comportements importants dans une équipe agile.

La boussole

Avez-vous jamais travaillé sur un projet Scrum avec des objectifs flous ? Dans lequel vous aviez un product backlog mais dans lequel les personnes impliquées dans l’effort de développement n’appréhendaient que vaguement l’objectif de la livraison ? Ça arrive plus souvent que vous le voudriez, même sur des projets avec des budgets à plusieurs millions de dollars ! Souvent, l’accent que Scrum met sur le “getting work done” est compris (à tort) comme une course au développement sans une réflexion suffisante sur la destination du projet. Ne commettez pas cette erreur. Tous les projets Scrum ont besoin d’une vision du produit qui joue le rôle de boussole, fixe la direction à prendre et guide l’équipe Scrum. C’est le but ultime que tous partagent - Product Owner, ScrumMaster, équipe, direction, clients et autres intervenants. Comme Ken Schwaber le dit: “Le plan minimum nécessaire au démarrage d’un projet Scrum consiste en une vision et un Product Backlog. La vision décrit pourquoi le projet est entrepris, et ce qu’est son état final souhaité”. (Schwaber 2004, p. 68)


Les cinq questions

La vision est l’art de voir les choses invisibles“ a observé l’écrivain anglais Jonathan Swift. La vision du produit est une peinture du future attirante pour les membres du projet. Elle décrit qui sont les clients, ce dont ils ont besoin, et comment leur besoins seront satisfaits. Elle capture l’essence du produit - les informations critiques que nous devons connaître pour développer et livrer un produit réussi. Développer une vision du produit efficace implique de répondre aux questions suivantes :

  1. Qui va acheter le produit ? Qui est la cible ?
  2. À quels besoins le produit va-t-il répondre&nsbp;?
  3. Quelles sont les fonctionnalités critiques pour répondre aux besoins, et donc permettant d’avoir un produit réussi ?
  4. Comment le produit se situe-t-il par rapport aux produits existants sur le marché, les parts de marché sont-elles possédées par la même entreprise ? Quels sont les points de ventes des produits ?
  5. Quel est le délai et quel est le budget dédié pour le développement et la livraison du produit ?

Répondre à ces cinq questions nous donne également les informations nécessaires à la création d’un modèle économique. Cette réflexion nous permet de décider si et comment le projet doit être mené.

Créer la vision du produit

Comme le Product Owner est responsable du succès du produit et de son retour sur investissement (ROI - Return On Investment), il doit mener les activités de vision/création à travers une collaboration étroite avec l’équipe (Pichler 2008). Pour des projets innovants, cette équipe pourrait inclure du personnel commercial et technique; par exemple, des publicitaires, des ergonomes, et des développeurs. Plus le produit est complexe et innovant, plus la vision est indispensable, et plus sa mise en œuvre réclame d’efforts. Pour des projets de développement de nouveaux produits et de mise à jour majeure de produit, des études de marché et des activités de prototypage sont généralement menées à bien. Comme cela peut prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour synthétiser une information pertinente dans ce cas, mettre en œuvre une ou deux itérations est la meilleure manière de réaliser cette étape. Vous pouvez comparez cette étape avec une petite mise à jour ou avec la maintenance d’un produit : ce sont des opérations pour lesquelles la création de la vision ne prend que quelques heures ou quelques jours.

Le cœur de la vision du produit

Au cœur de la vision du produit, on trouve la description des besoins sélectionnés du client et les fonctionnalités du produit nécessaires pour répondre à ces besoins. Pour parvenir à cette vision, nous sélectionnons d’abord notre cible, puis identifions les besoins utilisateurs les plus forts, décidant par là-même à quel marché, ou à quel segment de marché nous nous adressons. Finalement, nous définissons des critères d’acceptation permettant de vérifier que les caractéristiques du produit répondent correctement aux besoins.

Les caractéristiques du produit englobent des critères non fonctionnels et fonctionnels. Les critères non fonctionnels comprennent la performance, la robustesse, et l’ergonomie. Les critères fonctionnels décrivent les fonctionnalités spécifiques au produit, par exemple passer un appel, ou envoyer un mél. Les caractéristiques du produit servent de guide pour l’équipe; ils restreignent l’espace des solutions – l’ensemble de toutes les solutions possibles. La description des caractéristiques du produit avec un bon niveau de détail est un exercice d’équilibrage qui requiert une collaboration étroite entre le Product Owner et l’équipe. Sous-spécifier les caractéristiques entraîne un manque de clarté dans l’orientation et la direction du produit. Sur-spécifier les caractéristiques du produit entraîne des prises de décision prématurées et a une influence négative sur la créativité de l’équipe. Les techniques utiles à la description des caractéristiques comprennent les personas, les scénarios, les use cases, et les user stories.

Qualités attendues

Comme pour la réalisation de tous les objectifs importants, la réalisation d’une bonne vision fait autant appel à nos émotions qu’à notre intelligence. Elle doit motiver et enthousiasmer les gens. La vision du produit doit être limpide et stable; large et engageante; et concise et agréable.

Limpide et stable

La vision du produit doit être claire et facile à comprendre ce qui permet d’être d’accord sur les objectifs communs et d’éviter les quiproquos et la confusion (Lynn&Reilly 2002, Pichler 2008). Le terme anglais “vision” et dérivé du Latin “visio”, qui signifie “vision, vue, notion, idée”. La vision du produit doit donc nous permettre de visualiser le futur du produit. La vision ne doit donc pas être floue ou fumeuse.

Les changements de vision, particulièrement lorsque cela concerne les besoins du client et les fonctionnalités de base, peuvent aboutir à de la confusion, de la démotivation, et à un produit raté. Les petits ajustements sont la plupart du temps acceptables, tant que la valeur du produit reste la même.

Large et engageante

La vision du produit doit décrire des objectifs larges et attirants : un objectif qui guide les développeurs mais laisse la porte ouverte à la créativité; un objectif qui attire et inspire les personnes, favorise l’inventivité, et entraîne l'adhésion.

Concise et agréable

La vision du produit doit être brève et concise (Pichler 2008). Elle doit contenir seulement les informations importantes nécessaires à la réussite du produit. Les produits idéaux vus par Lynn&Reilly (2002) possèdent des visions avec pas plus de six caractéristiques. Par conséquent, la vision du produit n’est pas une liste de fonctionnalités et ne doit pas stipuler des détails inutiles.

Le test de l’ascenseur

La façon classique de valider la vision du produit est de répondre au test de l’ascenseur : “Pouvez vous expliquer votre produit pendant la montée d’un ascenseur ?” Moore (2006, p. 152). Passer ce test permet d’être certain que votre vision du produit est claire, attirante, et brève (en considérant que l’on monte dans un immeuble d’une taille normale et que l’on n’y reste pas coincé). Remarquez que le test de l’ascenseur ne nous dit pas si nous avons correctement défini les besoins de l’utilisateur et si nous avons correctement défini les caractéristiques du produit; seuls les retours de l’utilisateur peuvent le confirmer.

Les affaires courantes

Même nos activités courantes doivent être guidées par une vision. Cela serait exagéré de mettre en place des études de marché et du prototypage avant de décider sur quoi je vais travailler. Au lieu de cela, je me suis fixé une vision commerciale qui guide mon travail et permet de me concentrer. Ma vision commerciale est, par essence, moins importante que la vision d’un nouveau produit en développement mais c’est tout de même important de l’avoir.

Conclusion

Une vision du produit efficace guide l’équipe Scrum, cadre les intervenants extérieurs et les utilisateurs. Dépenser du temps et de l’argent dans la construction de la vision est un investissement qui vaut le coup. Comme Robert G. Cooper le dit : “Trop de nouveaux projets basculent de la simple idée vers le développement avec trop peu de travail en amont. Le resultat de l’approche “charger, tirer, puis viser” est la plupart du temps désastreux. Un travail de pré-développement consistant permet d’augmenter de façon significative la proportion de projets réussis et est en relation étroite avec la performance financière.” (Cooper 2000, p. 3) Ceci ne signifie pas remettre à plus tard le début du développement par l’utilisation d’un processus en cascade qui créerait une usine à gaz pour définir un produit magique ou qui serait un projet en soi. L’astuce est de dépenser le moins de temps possible mais autant que nécessaire; d’utiliser Scrum pour créer la vision; et de s’assurer qu’autant de membres de l’équipe que possible participent également à sa transformation en un produit réel.

Bibliographie

  • Cooper, Robert G. Doing it Right. Winning with New Products. Ivey Business Journal. July/August 2000.
  • Lynn, Gary S. and Richard R. Reilly. Blockbusters. The Five Keys to Developing Great New Products. HarperCollins. 2002.
  • Moore, Geoffrey A. Crossing the Chasm. Marketing and Selling Disruptive Products to Mainstream Customers. Revised edition. Collins Business Essentials. 2006.
  • Pichler, Roman. Scrum – Agile Projektmanagement richtig einsetzen. dpunkt.verlag. 2008.
  • Schwaber, Ken. Agile Project Management with Scrum. Microsoft Press. 2004.

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